Zoom sur la performance issue des arts visuels
Dès les années 2000, nous remarquons des espaces, festivals, et formations, qui naissent pour accueillir, valoriser et visibiliser, voire affirmer la performance affiliée aux arts visuels, non pas celle qui infuse vers les autres médiums mais qui s’en nourrit. Une tentative de former un réseau suisse autour de la performance et de mettre en commun les activités des scènes de Zürich, Bâle, Glaris, Soleure, Berne, Lucerne et Genève, se manifeste en 1999 et 2000 avec l’organisation de soirées de performances entre la Suisse alémanique et Genève (l’Usine). S’y produisent entre autres Victorine Müller, Patti Chang, Yan Duyvendak, Mourad Cheraït, Ma Liuming, Heinrich Lüber et JOKO
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L’école des Beaux-Arts de Genève (l’actuelle Haute école d’art et de design - HEAD) a, depuis les années 1970, et dans certains ateliers, tenté de décloisonner les disciplines et ouvert ses invitations aux arts vivants. Mais les prémices d’un pôle d’étude dédié spécifiquement à la performance sont à retrouver dans l’enseignement de Carmen Perrin (☆1953) (entre 1986 et 2005), artiste plasticienne sensible aux relations entres matériaux et mouvements du corps et ayant collaboré avec les arts scéniques. Elle invite Maria Ribot et Yan Duyvendak, parmi d’autres artistes pluridisciplinaires, à intervenir dans le cadre de son atelier. Ces artistes reprennent d’ailleurs en duo, en 2004, la gestion de l’option qui sera associée à la performance. L’enseignement se base néanmoins de préférence sur une recherche de cohérence dans l’articulation entre forme et contenu et l’« action », au sens large, qui en découle
. La naissance du festival Act en 2003 constitue un autre événement déterminant dans le développement de ce médium dans le cadre de la formation, puisque ce rendez-vous annuel, espace d’expérimentation public et commun des écoles d’art en Suisse, offre la possibilité aux étudiant-e-x-s de s’essayer à l’art vivant.
Le festival de performances Points d’impact a été co-initié dans la programmation de l’espace d’art Piano Nobile, dès 2005 et jusqu’en 2011. Hors les murs dès sa première édition, il regroupait, sur une durée de quelques jours, une dizaine de performances d’artistes visuel-le-x-s qui s’inscrivaient dans différentes typologies de lieux
. L’axe des programmes était un dialogue des productions artistiques avec les contextes d’accueil, ainsi qu’un parcours pour le public, tout cela précédé d’une prospection large pour présenter les tendances contemporaines. Le festival .perf (voir plus haut) poursuivra ensuite cette approche entre 2012 et 2016
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Enfin, un nouveau cadre intercantonal de reconnaissance de la performance, en tant que genre à part entière, est créé par la mise en place du Prix Suisse de la Performance. Il distingue la performance des arts visuels, récompensés eux lors des Swiss Art Awards. Organisée à Genève, la première édition de ce prix en 2011 s’adjoignait trois week-ends de programmations sous le titre de Who’s afraid of Performance Art, regroupant les structures Piano Nobile, Ex Machina et le GRÜ / Transthéâtre.
Les deux artistes Jérôme Leuba (☆1970) et Jérémy Chevalier (☆1983) formés à l’école des beaux-arts à plusieurs années d’intervalle, illustrent cette « culture » de la performance issue des arts visuels. Par des mises en tension de situations du quotidien, Jérôme Leuba touche à des problématiques sociales, en déclinant ses « champs de bataille » (Battlefield) depuis 2002. Les qualifiant de sculptures vivantes plutôt que de performances, l’artiste infiltre ses images dans l’espace public ou semi public. À première vue insignifiantes, elles mettent en exergue certains codes par la répétition. Même si très inspiré par la musique, rock de préférence, Jérémy Chevalier trouve par la performance des formes d’expression qui résonnent particulièrement dans le monde des arts, et des effets visuels. Il puise dans sa première formation en génie électrotechnique les outils qu’il utilise pour révéler les caractéristiques du spectacle, et plus particulièrement les « échecs » dans la confrontation de l’artiste au public.
Davide-Christelle Sanvee, L’approbation des chienx
Performance réalisée le 4 octobre 2021 à HIT
Dans le cadre du projet curatorial flight of fancy par Alicia Reymond
Photo © Eden Levi Am