Débuts
Faire l’expérience des œuvres d’Andreas Kressig est une question de temps. Elles sont souvent éphémères, et lorsqu’elles se montrent avec plus de longévité, leur accès — excentré dans des parcs, sur un lac ou une rivière — peut demander un certain effort. Le travail de Kressig, on pourrait dire, s’expose difficilement, car il va à l’encontre de la prévisibilité des conventions de la monstration — inertie de la relation entre objets et sujets, luminosité constante, délimitation claire entre exposition, scénographie et infrastructure. Par exemple, son « improvisation plastique » (terme qu’il préfère à « installation ») intitulée Cloud Flat (exposition personnelle, Halle Nord, Genève, 2021) présente une vision futuriste d’un appartement plongé dans l’obscurité, truffé de gadgets obsolètes qui produisent leurs propres lumières (LED, laser, écrans). Ces objets hétéroclites sont autant d’œuvres existantes ou réalisées par l’artiste pour l’occasion. À la stabilité d’une exposition monographique, Kressig substitue l’accidentel et le provisoire ; à l’autorité intrinsèque du geste artistique (fondateur, actif, organisateur), il propose une vacance incertaine et irrésolue, un espace de dérive. Les histoires que raconte son travail, en somme, nous exhortent à accepter une définition partielle, bégayante de l’art, rappelant cette formulation de l’auteur Dambudzo Marechera : « Rien ne dure assez longtemps pour avoir été. Ces fragments d’un tout nous tombent dessus au hasard [haphazardly]. Il est rare qu’on perçoive l’imminence d’entiers. Et ça, c’est le début de l’art » 1 .