André Breton conseillait aux artistes d’utiliser des formes plastiques en accord avec leur intuition de l’univers, et des parallèles visuelles avec leur perception intime des rythmes de la vie. Le domaine de Tito Honegger est celui de la légèreté; elle explore ce qui, dans la sculpture, est caché, ce qui est animé par l’ambivalence.
Au milieu des années quatre-vingt, lorgnant vers les matériaux de récupération, Tito Honegger découvrait que dans le monde infini des obiets, on peut inlassablement inventer de quoi faire rêver. À moins que ce soit à l’inverse, une incitation au réveil, car la séduction première de l’objet révèle peu à peu ses secrets. L’esthétique n’est pas là où on l’attendait. Aujourd’hui, Tito Honegger construit des volumes en maniant des matériaux qui n’ont guère de poids - le polystyrène expansé, le papier encollé enchevêtré sur du treillis - jusqu’à ce qu’ils en aient visuellement. Taillant dans la matière ou amalgamant les couches de papier qui viennent mouler la souple structure métalli-que, elle réalise des sculptures que l’on qualifiera volontiers d’objets.
Les formes ne s’inscrivent jamais dans une composition formelle stricte; leur surface est toujours un peu inégale, leur contour irrégulier. Blanches, rondes et lisses, ancrées au mur, elles semblent être nées d’un souffle puissant qui aurait boursoufflé la paroi. Leur simplicité formelle comme leur quiétude trouvent leur opposition dans des pièces hérissées, faites de fil de fer ployé, tordu, vrillé, avançant dans l’espace leurs pointes agressives.
Lorsqu’elles quittent le mur, les sculptures occupent l’espace en constituant des indices d’actions variées, exercées avec une certaine désinvolture. Optant pour des associations antinomiques, Tito Honegger laisse la forme se modifier sous sa main, prendre des allures d’objets identifiables, devenir loufoque ou, simplement, affirmer son volume. Ses obiets jouent toujours sur un infime écart qui les éloignent de la représentation. Travaillant sur la singularité de la forme autant que sur sa fragilité. Tito Honegger peut s’aventurer aux limites de l’équilibre comme aux confins de l’illusion. En regardant ces sculptures, en se déplacant parmi elles, posées sur des socles aux arêtes adoucies ou directement sur le sol, l’on songe à ces objets capables à tout moment de gigantisme, « un devenirfou » , disait Gilles Deleuze à propos des mutations d’échelle, de corps qui, dans notre modernité n’ont ni début ni fin. Au fond, on pourrait penser que Tito Honegger trouve frustrant que le monde, la plupart du temps, soit fait d’objets finis. Alors, elle se contente de frayer avec la réalité et elle élabore des obiets décentrés qui se donnent en toute simplicité au regard. Au risque de le tromper ou plutôt de l’inviter à s’engager du côté de l’irrationalité et de l’imaginaire.
D’abord blanches, les sculptures-objets de Tito Honegger sont maintenant traitées dans des tons sans contrastes violents. Juste, parfois, discrètement grinçants. Les couleurs ne rivalisent pas avec les formes mais leur apportent une énergie lumineuse et joyeuse.