Luc Mattenberger Exercices de perception

Luc Mattenberger
Exercices de perception

Depuis près d’un an, Luc Mattenberger dialogue avec l’économiste spécialisé en politique Reto Odermatt. L’objet central de leur discussion : le bien-être (well-being). Un thème plutôt inattendu pour un duo que rien ne semble de prime abord rapprocher. Pourtant, tous deux partagent un intérêt pour l’évolution du concept de bien-être, qui est passé d’une expérience mesurable individuellement à une injonction au bonheur, façonnée par les attentes de la société et alimentée par les logiques du capitalisme. Aujourd’hui, le bonheur est devenu l’affaire d’industries entières, qui prônent des pratiques comme le self-care, la pleine conscience et le wellness, tout en faisant partie de stratégies visant à promouvoir et améliorer l’efficacité des employé-e-x-s. La monétisation du bohneur est au cœur des recherches de Reto Odermatt, tandis que Luc Mattenberger l’étudie sous l’angle du pouvoir et des technologies. Ce dernier explore notamment comment l’esprit, le corps et l’individu sont soumis à des formes de contrôle, à travers des récits, des structures et des institutions. L’artiste s’intéresse également aux méthodes utilisées pour influencer la conscience. Il va sans dire que le pouvoir et l’argent sont étroitement liés, et que l’intérêt partagé par Odermatt et Mattenberger n’est pas fortuit. Pour approfondir leurs réflexions, l’économiste et l’artiste se sont livrés à diverses expériences promues par la société comme des voies vers le bien-être : bains glacés, sessions dans un centre de flottaison, cours de respiration holotropique ou expérience hypnagogique. Ils ont également réalisé le test d’un matelas électromagnétique ou encore une promenade à bicyclette allongés sur un brancard et muni d’un écran facial destiné à induire un effet hypnotique. Chaque expérience a été soigneusement documentée et analysée, soit par le biais de questionnaires statistiques, soit, comme pour le matelas, grâce à l’enregistrement d’un électroencéphalogramme.

Poursuivant l’élaboration de ce projet, Mattenberger collabore avec un musicien, qui utilise les données recueillies et les interprète pour donner lieu à une performance sonore. Les ondes cérébrales, hypothétiquement apaisées par les vibrations électromagnétiques du matelas électrique, seront donc transposées en musique. Ces sons déclenchent-ils la relaxation ? L’effet sur les utilisateur-trice-x-s du matelas, dont l’activité cérébrale a été mesurée, est-il différent de celui produit sur le public ? Cette partition sonore renforce-t-elle ou neutralise-t-elle l’effet du matelas ? Ce sont des questions que Mattenberger soulève lorsqu’il sonde les conditions et les mécanismes de contrôle de la conscience, tels qu’ils sont appliqués par la société de consommation, mais aussi, par l’armée et la politique. Partant du constat que les machines analysent notre comportement avec une précision toujours croissante, l’artiste nous propose, à nous humains, des programmes pour ainsi dire d’entraînement, afin d’exercer nos interactions avec elles. Une fois appliqués au champ de l’art, ces programmes déploient un travail d’éducation symbolique et subversif, qui va au-delà de l’abstraction des diagrammes scientifiques. Nous apprenons, par exemple, comment la méditation ou l’entraînement à la réduction du stress basée sur la pleine conscience (Mindfulness-Based Stress Reduction - MBSR) – des domaines a priori réservés aux citadin-e-x-s stressé-x-s – ont, depuis quelques années, intégré l’armée pour améliorer la concentration ou traiter les troubles post-traumatiques. Oui, des soldat-e-x-s méditent !

Formes-pensées

Petit retour en arrière : revenons aux mois de pandémie de 2021. En réponse aux mesures sanitaires qui exigeaient la fermeture des lieux culturels, un groupe d’artistes zurichois organisait une série de projets dans des espaces privés. Dans le cadre de l’initiative « Porte-Clé », l’artiste Markus Kummer invitait Mattenberger à investir une chambre à coucher. Son installation Feeling, Feeding, Fitting (2021) devenait à la fois exposition et hébergement. Conformément aux mesures en vigueur, la visite se faisait seul-e-x et il était possible de passer la nuit sur place. L’aménagement, évoquant l’intérieur d’un centre médical aseptisé et aux allures de science-fiction, offrait alors plusieurs espaces où se reposer sur une vaste estrade carrelée. Il était ainsi possible de s’étendre sur un matelas rose pâle, disposé sous un moniteur diffusant un dégradé de couleurs. À même le carrelage, des coussins et un masque doté d’un écran translucide attendaient les visiteur-euse-x-s. Une nappe sonore binaurale émanant d’une structure tubulaire, non sans rappeler une cheminée au design futuriste, enveloppait l’espace et – en référence au titre – nourrissait l’expérience acoustique tout en renforçant la promesse d’un trip escapiste. « Détends-toi ! » semblaient clamer les objets.

Imaginer rester allongée pour observer un dégradé de couleurs défilant devant mes yeux me parait plutôt inconfortable. Nous jouons ici le rôle de cobayes pour l’étude des corrélations entre couleurs et émotions. En effet, l’impact psychologique des couleurs fait l’objet de nombreuses recherches scientifiques. Pour la conception du dégradé diffusé sur le moniteur, Mattenberger s’est inspiré en particulier d’une étude publiée en 2020 dans la revue Psychological Science. Celle-ci interrogeait précisément les associations entre couleurs et émotions pour découvrir si leur nature était cognitive, et donc universelle, ou s’il s’agissait plutôt de constructions culturelles transmises par les traditions et le langage. Les participant-e-x-s à l’étude, issu-e-x-s de plus de 30 nations et parlant 22 langues, ont associé de manière identique des émotions à des couleurs spécifiques, indiquant ainsi qu’il existe bel et bien une perception universelle de certaines associations couleur-émotion. Les approches parapsychologiques ne sont pas si éloignées. Un classique du savoir ésotérique du début du XXe siècle, l’ouvrage Thought-Forms (« Les formes-pensées ») écrit par les théosophes Annie Besant et C.W. Leadbeater, décrit l’effet inverse, à savoir que les émotions et l’état d’esprit se manifestent par des couleurs et des formes permettant de les analyser. Dans l’enseignement de Besant, les couleurs symbolisent des états de conscience et peuvent également être utilisées pour « ajuster la vibration » émotionnelle d’une personne, autrement dit, pour harmoniser son état émotionnel.

C’est ici qu’intervient l’objet métallique en forme de cylindre : le porte-clé, témoin de l’échange des clés et incarnant la confiance mutuelle entre l’hôte et l’invité-e-x. Cette œuvre est la plus petite d’une série intitulée Mind Control, réalisée par Mattenberger à Novotroïtsk dans le cadre de la Biennale industrielle de l’Oural pour l’art contemporain. Le point de départ de ce projet était une série de méditations que l’artiste a conduite sur place et qu’il a focalisée sur l’instant présent et la respiration. Ses ondes cérébrales, enregistrées via un EEG (électroencéphalogramme), étaient alors transmises par impulsions électriques à une machine-outil qui les a découpées en sillons concentriques dans des barres d’acier. Former des pensées. Alors qu’à leur époque, Besant et Leadbeater ne disposaient « que » de leur imagination ainsi que de crayons gris et de couleur, Mattenberger nous propose une sorte d’évolution technologique du concept ésotérique des formes-pensées – non sans ironie bien sûr. Le clou de l’histoire : pour réussir cet exercice, Mattenberger a dû démontrer qu’il était passé maître dans l’art du contrôle mental. Des émotions trop fortes ou des sauts de pensée soudains auraient empêché la machine de fonctionner correctement, et interrompu le processus de découpe. Concrètement, cela signifie que l’artiste a dû sciemment occulter et ignorer la réalité de l’Oural – la situation politique déplorable et le désastre écologique causés par une industrie extractive. Les objets « évidés », découpés dans des ébauches métalliques et à l’esthétique néo-géo, évoquent ainsi les dangers de la propagande, de l’autocensure et de la dissimulation propres aux régimes autoritaires. Mais ils renvoient aussi aux périls d’une promesse de salut ésotérique et de l’escapisme individualisé que les sociétés dites privilégiées commercialisent sous le nom de « quête de soi ».

Des choses mystérieuses

Luc Mattenberger a développé son intérêt pour les stratégies de contrôle de la pensée, pour l’hypnose et la méditation en examinant les machines. Pour le dire simplement, les machines sont ce qui distingue les hommes des animaux. Les mandalas, utilisés pour la méditation, ou encore le pendule, employé par la chercheuse et artiste Emma Kunz pour ses dessins vibratoires, sont également des technologies et donc des machines. Actuellement, de vifs débats entourent l’autonomisation des machines et notre dépendance croissante envers elles. Ceci dit, l’apprentissage automatique (machine learning) n’a pas encore trouvé de manière convaincante pour gérer les émotions. Pour mieux comprendre les interactions entre la machine, l’humain et l’esprit, Mattenberger a mené des recherches et des discussions avec des scientifiques, notamment du Brain and Behaviour Laboratory de l’Université de Genève et du Brain Electrophysiology Attention Movement Laboratory de l’Université de Lausanne. En parallèle, il a suivi une formation en autohypnose. Les résultats de ces expériences ont été utilisés pour concevoir les œuvres de l’exposition Keep it Safe (2022) à la Vebikus Kunsthalle de Schaffhouse. Toutes traitent d’états hypnotiques – de leur exploration, des sensations propres à ces états de conscience modifiés et de la manière d’y parvenir. Chaque objet est placé avec précision et élaboré avec soin. Un cendrier discrètement disposé dans l’espace d’exposition laisse échapper des volutes, sans pour autant exhaler la puanteur habituelle associée aux mégots de cigarettes brûlés. Dans un évier à l’apparence ordinaire, flottent d’imposants globes oculaires – à mi-chemin entre le mignon et le répugnant. Plus loin, un masque respiratoire semble prêt à l’emploi. Nous ne l’utiliserons cependant peut-être pas. Mattenberger donne explicitement une fonction interactive à ses objets, sans nécessairement impliquer une utilisation concrète. Pour être honnête, je ne sais pas si c’est à moi en tant qu’observatrice, visiteuse de l’exposition, voire en tant qu’être humain, que l’on s’adresse ou si je me suis retrouvée instantanément dans la 4ème dimension. Je dois réfléchir à comment me comporter face à ces objets mystérieux, tout en sachant qu’ils engendrent des réactions de mon propre corps. J’observe les autres visiteur-euse-x-s, la manière dont iels réagissent à la situation et je m’observe moi-même : je suis aware, même si c’est sous un jour un peu différent.

Dans ses installations, Luc Mattenberger crée des instantanés immersifs qui associent souvent hi- et lo-fi. Leur ressemblance avec un équipement de laboratoire ou d’hôpital confère aux objets une fonctionnalité inquiétante, comme ce sentiment évoqué par Sigmund Freud d’éprouver quelque chose de familier et d’étrange à la fois. Par le truchement de la sculpture, l’artiste questionne l’autorité de ces objets mêmes. Il conçoit des parcours d’entraînement à la perception – les Cognitive Playgrounds –, des exercices destinés à aiguiser nos sens, à questionner les liens de causalité entre nos sensations et nos sentiments, mais aussi à interroger la façon dont nous consommons l’art. Personnellement, je ne peux pas m’empêcher de me sentir comme un sujet ou une patiente dans les installations de Mattenberger. Sauf qu’ici, à la place des docteur-esse-x-s au regard attentif – au milieu desquels j’ai probablement déjà dû m’allonger sur des couchettes à l’agencement tout aussi compliqué – nous ne savons pas qui nous observe. Nous sommes livrés à nous-mêmes, et c’est alors qu’augmente l’excitation de nos récepteurs cérébraux. C’était d’ailleurs particulièrement frappant lorsque Mattenberger a présenté son installation Cognitive Playground (2019) lors des très fréquentés Swiss Art Awards à Bâle. L’utilisation des structures proposées relevait de la performance. Elles nous engageaient, nous public, directement dans une dynamique mêlant représentation et observation, vulnérabilité et jugement. Une question persiste : mon comportement et mes actions sont-ils analysés et enregistrés ?

Wellness !?

La dentition dans sa monture en plexiglas me sourit sans détour. Dans le fond du miroir je me vois à peine jusqu’au cou, avant que le reste de mon corps ne se dissolve dans le verre dépoli et le dégradé de couleurs. Le travail Wellness (2022) s’inspire des premiers entretiens avec Reto Odermatt. Bien sûr, l’ironie est de mise. Comment puis-je m’influencer moi-même ? Et qu’est-ce qui peut m’influencer ? Un sourire, mon propre reflet, les couleurs, la méditation… Le wellness est-il la promesse de salut qu’il prétend être ?

Vous a-t-il déjà semblé voir un visage dans les traits d’une maison ? Cette capacité humaine à assimiler ce que l’on perçoit à des formes et des motifs familiers porte un nom : la paréidolie. Luc Mattenberger me parle de l’étude dite de « Heider-Simmel » réalisée en 1944, et pour laquelle les psychosociologues Marianne L. Simmel et Fritz Heider avaient réalisé un court métrage où des formes géométriques se déplacent sur un fond blanc. Les participant-e-x-s, à qui l’on a projeté le film d’animation, interprétèrent, pratiquement sans exception, le contenu abstrait comme des interactions sociales : le grand carré a été perçu comme une prison, le point comme prenant la fuite et le grand triangle comme un agresseur. Iels attribuèrent à ces formes des intentions et des émotions. Les techniques visuelles, telles que l’ornementation mais aussi les symboles religieux et rituels, ou encore les pratiques d’hypnose et de chromothérapie, s’appuient sur l’effet psychoaffectif des formes et des couleurs. Les produits sont également anthropomorphisés par la publicité, au point que les robots, l’IA et les systèmes d’armes autonomes sont programmés pour que le plus grand nombre possible de caractéristiques « humaines » leur soit attribué. Simultanément, le film peut être perçu selon la tradition de l’abstraction qui, dans sa forme la plus épurée et entièrement dépourvue d’objets, a donné naissance à l’art concret et constructiviste. Ici, chaque forme se suffit à elle-même. Elle ne représente plus, elle est. Ce large spectre de perceptions fait de l’étude une référence parfaite pour Mattenberger dans son jeu de lecture et de compréhension des formes et des choses.

En utilisant le décalage – ou, dans le langage du monde numérique, le « glitch » – l’artiste assemble des dispositifs du quotidien pour produire de nouveaux objets. Il crée des agencements pseudo-machiniques avec lesquels il explore la production, l’utilisation et les systèmes de distribution du pouvoir, de la puissance et, si l’on veut, de « l’esprit ». Les questions que pose Mattenberger sont d’une grande exigence sur le plan éthique et politique. Les moments d’humour sont d’autant plus importants : ils allègent l’appréhension face aux divergences apparemment insolubles du présent. L’œuvre Wellness met cela parfaitement en exergue.


Deutsche Originalversion

Luc Mattenberger
Übungen in Realitätswahrnehmung

Seit knapp einem Jahr steht Luc Mattenberger in Austausch mit dem Politökonomen Reto Odermatt. Der Gegenstand ihres Austausches: Well-Being, was nach einemüberraschenden Thema für ein ohnehin ungleiches Paar klingt. Odermatt wie Mattenberger teilen aber das Interesse für den Übergang von Wohlbefinden als eine Grösse, die individuell bemessen wird, zum gesellschaftlich auferlegten und vom Kapitalismus befeuerten Glücksimperativ. Glück ist heute die Sache ganzer Industrien im Zeichen von Self-Care, Achtsamkeit und Wellness, aber auch von Mitarbeitendenförderung und Effizienzsteigerung. Glück wird ökonomisiert, wozu Odermatt forscht. Mattenberger wiederum beschäftigt sich seit vielen Jahren mit Macht und Technologie. Er untersucht, wie auf Geist, Körper und Individuum Macht ausgeübt wird, welche Narrative, Strukturen und Institutionen dabei involviert sind und welche Methoden etwa zur Kontrolle des Bewusstseins Anwendung finden. Macht und Geld, das ist selbstredend, sind eng verbunden, und damit das geteilte Interesse von Odermatt und Mattenberger gar nicht mehr so weithergeholt. Zusammen haben sich der Wirtschaftswissenschaftler und der Künstler selbstauferlegten Versuchen unterzogen, die als Weg zu Well-Being medial und sozial gepriesen werden: sie waren Eisbaden, im Floating-Center, haben einen Kurs für holotropes Atmen belegt, sich einer hypnagogen Lichterfahrung unterzogen, eine elektromagnetisch aufgeladene Matratze ausprobiert oder einander mit Spezialbrille auf einer Karre liegend durch die Stadt geschoben, was einen hypnotisierenden Effekt haben soll. Ihr Erleben dokumentieren sie schriftlich mittels eines Fragebogens oder im Fall der Matratze zusätzlich durch die Aufnahme der Hirnströmungen.

Als Weiterführung des Projekts, will Mattenberger ein:e Musiker:in bitten, letztere Daten im Rahmen einer Performance mit Klängen zu interpretieren. Die Strömungen eines durch die elektromagnetischen Schwingungen der Spezialmatratze in vermeintliche Entspannung gesetztes Gehirn sollen also in Sound übersetzt werden. Lösen diese Klänge dann auch Entspannung aus? Ist der Effekt bei der Nutzer:in der Matratze, deren Hirnaktivitäten gemessen wurden, anders als beim Publikum? Verstärken oder neutralisieren sie den Effekt der Matratze? Es sind spekulative Fragen, die Mattenberger aufwirft, wenn er die Bedingungen und Mechanismen der Bewusstseinskontrolle, wie sie von der Konsumwirtschaft, aber auch von Militär und Politik angewendet werden, hinterfragt. Maschinen werden unser Verhalten immer präziser analysieren können. Mattenberger stellt dem Übungscamps für uns Menschen gegenüber, um den Umgang mit diesen Maschinen zu trainieren. Im Raum der Kunst leisten sie symbolische und subversive Aufklärungsarbeit jenseits wissenschaftlich abstrakter Diagramme. Wir lernen zum Beispiel, wie Meditation oder Mindfulness-Based Stress Reduction-Training (kurz MBSR), vermeintlich Hoheitsgebiete gestresster Grosstädter:innen, seit einigen Jahren auch im Militär zur Konzentrationssteigerung oder bei posttraumatischen Störungen rege Anwendung finden – ja, meditierende Soldat:innen!

Gedanken-formen

Ein kleiner Zeitsprung zurück in die Pandemie-Monate 2021. Eine Gruppe Zürcher Kunstschaffende organisierte in Zeiten geschlossener Kultureinrichtungen Projekte in Privaträumen. Im Rahmen der Initiative «Porte-Clé» lud der Künstler Markus Kummer Mattenberger ein, ein Schlafzimmer zu bespielen. Resultat war Feeling, Feeding, Fitting (2021) – Ausstellung und Unterkunft in einem. Entsprechend den damaligen Regeln war der Besuch allein vorgesehen, auf Wunsch konnte man die Nacht dort verbringen. Das septische Interieur zwischen Medizinal-Einrichtung und Sci-Fi bot auf einem gefliesten Podest mehrere Liege- und Ruhegelegenheiten, z.B. auf einer hautfarbenen Matratze unter einem Monitor mit Farbverlauf oder direkt auf den Fliesen, wo Kissen und eine Maske mit Milchglasschirm bereit lagen. Ein binauraler Soundmantel ausgehend von der Röhrenkonstruktion, die auch eine Art Kamin sein könnte, bot – mit Verweis auf den Titel – das Futter für die Ohren und machte die Verheissung eines eskapistischen Trips perfekt. «Entspann dich!», scheinen die Objekte zu schreien.

Entsprechend unbequem stelle ich es mir vor, liegend dem Farbverlauf vor meinem Gesicht zu folgen. Wir werden zum Versuchskaninchen für die Korrelationen von Farben und Emotionen. Zur psychologischen Wirkung von Farben wird wissenschaftlich geforscht. Mattenberger beschäftigte sich für die Konzipierung des Farbverlaufs auf dem Monitor eingehend mit einer Studie, 2020 publiziert in der Fachzeitschrift Psychological Science, die fragt, ob Assoziationen zwischen Farbe und Emotionen kognitiver und damit universeller Natur sind, oder ob es sich da um kulturell gewachsene Schöpfungen handelt, die in Traditionen und über Sprache weitergegeben werden. Die Antwort lautet: über 30 Nationen und 22 Sprachen hinweg assoziierten die Proband:innen ähnliche Emotionen zu Farbkonzepten, d.h. es gibt ein universelles Empfinden von bestimmten Farb-Gefühls-Paaren. Aber auch parapsychologische Ansätze sind nicht weit. Einen Klassiker des esoterischen Wissens legten Anfang des 20. Jahrhunderts die Theosophen Annie Besant und C. W. Leadbeater mit ihrem Buch Thought-Forms vor. Darin beschreiben sie den umgekehrten Effekt, nämlich das Emotionen und geistige Zustände sich in Farben und Formen manifestieren, anhand derer sie analysiert werden können. Farben stehen für Bewusstseinszustände und können in Besants Lehre auch verwendet werden um den emotionalen Zustand eines Menschen in die «richtige Schwingung» zu versetzen, sprich zu harmonisieren.

Hier kommt das zylinderförmige Metallobjekt – der Porte-Clé – ins Spiel, an dem der Schlüssel, den Gastgeber und Gäst:in in einer Geste grossen Vertrauens austauschten, hing. Die Arbeit ist die kleinste in einer Serie namens Mind Control, die Mattenberger in Novotroïtsk anlässlich der Ural Industrial Biennal for Contemporary Art realisierte. Ausgangspunkt war, dass der Künstler vor Ort meditierte – fokussiert auf den Moment und die Atmung, während mittels EEG (Elektroenzephalografie) seine Hirnströmungen aufgenommen und als Impulse auf eine Metallschneidemaschine übertragen wurden, die diese in konzentrischen Scheiben in Stahl schnitt: Gedanken formen. Während Besant und Leadbeater damals «nur» Imagination, Blei- und Buntstift zur Verfügung hatten, präsentiert uns Mattenberger eine Art technologische Weiterentwicklung des esoterischen Konzepts der Gedankenformen – mit einem Augenzwinkern natürlich. Der Clou der Geschichte: Mattenberger musste für das Gelingen dieser Übung beweisen, dass er ein Meister der Gedankenkontrolle ist. Zu starke Emotionen und geistige Sprünge hätte die Maschine nicht verarbeiten können und den Schneidvorgang plötzlich abgebrochen. Faktisch heisst das, dass Mattenberger die Realität im Ural – die politische Misswirtschaft und das ökologische Desaster, das die ausbeuterische Industrie zu Folge hat – bewusst ausblenden und ignorieren musste. Die aus Stahlradrohlingen geschnittenen «entleerten» Objekte in Neo-Geo-Ästhetik stehen so auch für die Gefahren von Propaganda, Selbstzensur und Vertuschung durch autoritäre Regimes, aber auch die Gefahren esoterischen Heilsversprechen und dem individualisierten Eskapismus, den privilegierte Gesellschaften erfolgreich als Selbstfindung vermarkten.

Mysteriöse Dinge

Mattenberger entwickelte sein Interesse für Strategien der Gedankenkontrolle, Hypnose und Meditation aus der Beschäftigung mit Maschinen. Vereinfacht sind Maschinen, was den Menschen vom Tier unterscheiden. Auch Mandalas, die zur Meditation verwendet werden, oder das Pendel, das die Forscherin und Künstlerin Emma Kunz für ihre vibrierenden Zeichnungen einsetzte, sind eine Technologie und damit Maschinen. Aktuell laufen die Diskussionen heiss über Maschinen, die ihre eigene Existenz entwickeln und über Menschen, die abhängig sind von Maschinen. Zugleich hat Maschine Learning noch keinen vollends überzeugenden Umgang mit Emotionen gefunden. Um die Wechselwirkungen zwischen Maschine, Mensch und Geist besser zu verstehen, stellte Mattenberger Recherchen an und setzte sich in Austausch mit Wissenschaftler:innen, etwa am Brain and Behaviour Laboratory an der Universität Genf und dem Brain Electrophysiology Attention Movement Laboratory der Uni Lausanne. Gleichzeitig unterzog er sich einer Ausbildung in Selbsthypnose. Resultate dieser Erfahrungen flossen in die Konzipierung der Werke in der Ausstellung Keep it Safe (2022) in der Vebikus Kunsthalle Schaffhausen. Sie alle befassen sich mit hypnotischen Zuständen – mit deren Erforschung, mit dem Gefühl an sich und dem Weg dahin.

Jedes Objekt ist präzise platziert und aufwändig ausgearbeitet. Aus einem unauffällig platzierten Aschenbecher dampft es, aber ohne den üblichen Gestank verbrannter Zigaretten-Stummel. In einem vordergründig handelsüblichen Waschbecken schwimmen grosse Glubschaugen – irgendwo zwischen niedlich und ekelerregend. Eine Atemmaske steht zum Inhalieren bereit. Wir werden sie aber kaum nutzen, denn Mattenberger provoziert eine explizite Ebene der Interaktion, die dann aber ins Leere läuft. Wenn ich ehrlich bin, weiss ich nicht, ob überhaupt ich als Kunstbetrachterin, Ausstellungsbesucherin, ja als Mensch angesprochen bin, oder ob ich hier in eine andere Dimension geraten bin. Ich muss mir überlegen, wie ich mich zu diesen mysteriösen Dingen verhalte, gleichzeitig fordern sie meinem Körper eine Reaktion ab. Ich beobachte die anderen Besucher:innen, was sie mit der Situation anstellen, und beobachte mich selbst: bin aware, auch wenn unter etwas anderen Vorzeichen.

In seinen Installationen schafft Mattenberger immersive Momente, die typischerweise hi- und lo-fi zusammenbringen. Ihre Anlehnung an Labor- und Spitalinventar verleiht den Objekten eine unheimliche Funktionalität, ganz nach Sigmund Freud als Gefühl, etwas als vertraut und gleichzeitig fremd zu erfahren. Mit dem Mittel der Bildhauerei hinterfragt er die Autorität ebendieser Objekte. Er schafft Übungsparcours in Realitätswahrnehmung – Cognitive Playgrounds – Übungen, um unsere Sinne für Eingriffe auf unsere Wahrnehmung zu stärken aber auch Übungen darin, wie wir Kunst konsumieren. Ich zumindest komme nicht umhin, mich in Mattenberges Installationen wie eine Probandin oder Patientin zu fühlen. Nur wissen wir nicht, wer uns, statt den aufmerksamen Ärzt:innenaugen, unter denen ich mich vielleicht auch schon auf ähnlich kompliziert arrangierte Liegen haben legen müssen, hier beobachtet. Wir sind uns selbst überlassen und erhöhen in dieser Situation unsere Reizrezeptoren. Extrem war das zum Beispiel, als Mattenberger die Installation Cognitive Playgrounds (2019) an den rege besuchten Swiss Art Awards in Basel zeigte. Die offerierten Strukturen zu nutzen, hatte geradezu performativen Charakter. Unmittelbar verstricken sie uns in eine Dynamik von Darstellen und Beobachten, von Verletzlichkeit und Beurteilung. Ständig schwingt die Frage mit: Wird mein Tun und Verhalten analysiert und dokumentiert?

Wellness!?

Unverhohlen grinst mich das Gebiss in Plexiglasfassung an, im Spiegelhintergrund sehe ich mich selbst, knapp bis zum Hals, bevor sich mein restlicher Körper im Milchglas und Farbverlauf auflöst. Die Arbeit Wellness (2022) ist inspiriert von den ersten Gesprächen zwischen Mattenberger und Odermatt. Natürlich ist Ironie gross geschrieben darin. Wie kann ich mich selbst beeinflussen? Und was beeinflusst mich? Ein Lachen, Selbstbespiegelung, Farben, Meditation, … Ist Wellness das Heilsversprechen, als das es sich ausgibt?

Haben Sie auch schon in einem Haus ein Gesicht gesehen? Für die menschliche Eigenschaft, das Wahrgenommene an vertrauten Mustern und Formen anzugleichen, gibt es den Fachbegriff Pareidolie. Mattenberger erzählt mir von der sogenannten Heider-Simmel-Studie aus dem Jahr 1944, für die die Sozialpsychologinnen Marianne L. Simmel und Fritz Heider einen kurzen Film drehten, in dem sich unterschiedliche geometrische Figuren auf einem weissen Hintergrund bewegen. Die Teilnehmenden, denen sie die Animation zeigten, interpretierten den rein abstrakten Inhalt fast ausnahmslos als soziale Interaktionen – das grosse Viereck etwa lasen einige als Gefängnis, den Punkt auf der Flucht und das grosse Dreieck als Aggressor. Sie attribuierten den Formen Absichten und Empfindungen. Auf die psychoaffektive Wirkung von Formen und Farben bauen visuelle Techniken wie das Ornament auf oder religiöse und rituelle Symbole, Hypnosepraktiken und Farbtherapien. Aber auch in der Werbung werden Produkte anthropomorphisiert, bis hin zu Robotern, KI und autonomen Waffensystemen, die so programmiert werden, damit ihnen möglichst viele «menschliche» Eigenschaften zugeschrieben werden können. Gleichzeitig lässt sich der Film in der Tradition der Abstraktion rezipieren, die in ihrer reduziertesten und vollends gegenstandsfreien Form die konkrete und konstruktive Kunst hervorbrachte. Hier steht jede Form nur für sich selbst. Sie bildet nicht mehr ab, sie bildet nur noch. Dieses breite Wahrnehmungsspektrum macht das Experiment für Mattenberger zur perfekten Referenz für sein Spiel mit dem Lesen und Verstehen von Formen und Dingen. Mit dem Mittel der Verschiebung – oder in der Sprache der digitalen Welt, dem «Glitch» – fügt er alltägliche Apparaturen zu neuen Objekten zusammen. Er schafft pseudomaschinelle Vorrichtungen, mit denen er Produktion, Nutzung und Verteilsysteme von Macht, Kräften und, wenn wir so wollen, «Geist» erforscht. Die Fragen, die Mattenberger stellt, sind ethisch und politisch anspruchsvoll. Umso wichtiger sind die humorvollen Momente. Sie lockern die Beklemmung über die scheinbar unlösbaren Diskrepanzen der Gegenwart auf. Die Arbeit Wellness bringt dies auf den Punkt

Yasmin Naderi Afschar, Luc Mattenberger : Exercices de perception, DDA-Genève, 2025

DDA-GENÈVE