L’installation Toxic Red Strawberries: Hacking matters de Raphaëlle Mueller résulte du projet de recherche artistique transdisciplinaire en cours Under the surface of a red lagoon. L’exposition solo à ET - Espace témoin, Genève, Suisse, fait partie du cycle Strawberry Fields, sur une invitation du bureau sacha von der potter (svdp), septembre 2017.
Œuvres
Toxic Red Strawberries: Hacking matters, Espace Témoin 2017
Ce travail porte sur l’extraction minière en lien avec nos nouvelles technologies digitales et vise à mettre en lumière les résidus toxiques de ces procédés. Cette exposition tient ainsi à narrer le côté obscur de la matérialité des médias, ceci du point de vue (non-humain) des résidus de bauxite (boues rouges), qui sont les sous-produits du raffinage de l’aluminium. Ce travail fait suite à une enquête de terrain de deux ans menée en Roumanie sur un bassin de stockage de 50 hectares de résidus de bauxite, et présente par ce biais quelques pistes de réflexion.
Et si nous respirions un air saturé de résidus des métaux et des produits chimiques des cultures numériques ? Comment aborder la matérialité des média au travers des nanoparticules ? Au travers d’interactions géo-chimico- physiques ? Au travers d’espèces survivantes ? Cette exposition confronte ainsi le spectateur aux microparticules de poussières ferreuses, aux liquides caustiques et aux interférences biologiques en résultant, a n d’attirer l’attention sur l’aspect matériel des cultures numériques et les pollutions que leur production engage. À l’ère de l’Anthropocène/Capitalocène, il est urgent de comprendre comment l’eau, l’air et l’atmosphère de la culture numérique sont lourds de métaux et de produits chimiques, et nos paysages ouverts à la spéculation minière servant la production de nos outils technologiques.
Ce réservoir d’eau contient de la soude caustique/hydroxyde de sodium NaOH, un produit chimique qui est utilisé dans le processus de raffinage pour extraire l’alumine de sa roche native. Par conséquent, il est l’agent induisant le pH hautement alcalin du lac de résidu de bauxite, autour de 12 selon mon indicateur de pH, ce qui est loin d’être un milieu adéquat pour le maintien de la vie; la causticité de l’hydroxyde de sodium en fait un agent létal. Cette expérimentation vise à comprendre les propriétés transmutatives/ destructrices de l’hydroxyde de sodium, appliqué à la matière (aluminium) dont il est le produit.
En conséquence, l’aluminium incorporé dans la couverture de survie se dissout après quelques heures. Ce travail est une réflexion sur un processus de «retour en arrière» potentiel, utilisant les produits chimiques pour la production de l’aluminium pour la dissolution de celui-ci, afin de redonner à la terre les molécules que la machine capitaliste a utilisées pour produire de nouveaux gadgets technologiques.
La spiruline est une micro-algue/cyanobactérie extrémophile qui possède des propriétés bioaccumulatives (absorption des métaux lourds), ce qui pourrait la profiler comme un bioremédiateur potentiel dans des cas de pollution de l’eau. Par cette expérience, nous tentons la collaboration avec l’entité non-humaine spiruline afin d’étudier les possibilités de bioremédiation des écosystèmes aliénés tels que le lac de résidus de bauxite.
Cette installation spéculative met en tension la possibilité de contamination de l’espace d’exposition par la poussière rouge (contaminée), posant par là la question de la responsabilité d’une action ou d’une pratique ; il s’agit par là de considérer la poussière comme un élément constitutif de la réalité biopolitique et géopolitique contemporaine. Le vent est un translocateur non humain et la poussière est un récit matériel qui nous pénètre.
Plan-séquence/image fixe du lac de déchets de bauxite (50ha) situé à Tulcea, en Roumanie, enregistrant et témoignant de la poussière toxique rose-rouge soufflée des parties sèches du lac. Cette pollution par la poussière est un véritable combat pour la population locale et illustre la translocation des molécules de roche post-aluminium du corps de la terre au corps des humains, mettant en évidence les risques sanitaires liés au matérialisme des médias.
Captation vidéo réalisée avec une caméra subaquatique au coeur du lac de résidu de bauxite de Roumanie. Il s’agissait alors de pénétrer le corps de cette eau « morte » d’une façon plus sensorielle et immersive que ce que l’appareil photographique peut opérer, de confronter l’outil technologique (caméra) directement dans le milieu hostile (pH extrêmement alcalin).
Ce projet fait partie de la rercherche transdisciplinaire Xgbml (Xeno-geo-bio-medialogic) dans le cadre de l’exposition La Sémiosphère du Commun (février-mars 2017), une invitation d’Anna Barseghian pour Utopiana, Le Commun, Genève, Suisse. Le projet fût partiellement développé avec Hackuarium, biohackerspace, Renens, Suisse.
Textes Raphaëlle Mueller