La vie, celle de tous les jours, se façonne patiemment...

La vie, celle de tous les jours, se façonne patiemment. Elle se pétrit par touches, sans cesse remodelées. Transparaît en filigrane Giacometti au travail, jamais satisfait.

Au début, l’innocence, la jeunesse, les histoires échafaudées alors, jettent dans les incertitudes. Puis vient le temps du contrôle de soi, de l’organisation. Auquel succède celui de la maturité, des subtilités, où l’n craint moins de se découvrir. S’ouvrent désormais toutes les possibilités et toutes les synthèses. La vie de la peinture !

Celle en particulier qui admet que beaucoup est dit mais laisse entendre que de nouvelles intuitions, de nouvelles sensibilités s’annoncent.

Ainsi les toiles de Josée Pitteloud marient la quiétude aux tourments et à la volupté. Certaines invitent le regard à traîner, à goûter au calme. D’autres le font plonger dans d’incessantes effervescences. Mais toutes, qu’elles soient isolées ou en groupe, proposent des rythmes différenciés. C’est la réussite de Josée Pitteloud de pouvoir créer ces sensations à vitesses variables. Les futuristes n’y sont jamais parvenus et ce n’est que mécaniquement que l’art cinétique a trouvé des solutions. Quant à la recherche sur les constituants de la peinture, dans les années soixante-dix, elle est simplement passée à côté d’une possibilité qu’elle ébauchait.

Josée Pitteloud a su dialoguer avec la matière picturale. Elle ne la contraint pas, ni ne lui concède une totale liberté. Elle soumet à cette substance ductile, malléable, réactive, des propositions de gestes, de teintes, puis guette ses réponses et enchérit. Lent travail de superpositions, d’écoute et de surprises… L’artiste se laisse guider et ne peut prévoir l’état de tension final.

Dérive jusqu’à une situation pleine qui accorde à la toile l’autonomie, l’étabiit dans sa vie propre, ouvre les échanges de sentiments et d’idées. Une disponibilité inscrite autant dans les remontées de tons à travers les différentes couches que dans les interrogations déposées strate sur strate pour ne jamais former qu’une mince pellicule. Du superficiel qui recèle des abysses. Lave en fusion autant que courant d’air, cette peinture est animée de mouvements sourds, puissants, légers, souples, vifs, sombres et transparents.

Méditation ou spectacle, ces toiles parlent des drames de la lumière mais aussi de paysages déroutants ou paisibles à inventer, où risquer l’aventure. Entre les montées en puissance, les ruptures, accélérations et ralentissements qu’elles vous proposent, à vous de découvrir votre propre ailleurs.

Philippe Mathonnet, in L’invitation au château, cat. exp., Sierre, Château de Villa, 1990