Josée Pitteloud
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Né⋅e en 1952
Vit et travaille à Genève
Josée Pitteloud produit peu et travaille sur un temps long ; l’élaboration de chacune de ses peintures à l’alkyde s’étend sur des années, à travers un cheminement fait d’explorations. Progressivement, elle a mis au point un procédé qui pourrait ressembler à celui des artistes que l’on rattache à l’art conceptuel s’il n’était pas tant ancré dans la matière, dans la vibration des couleurs et dans leur potentiel de suggestion. Le procédé s’approche d’ailleurs du rituel : au début, il n’y a pas de projet, juste une couleur et une date de commencement qui donnent leur titre à ses œuvres, comme Vert de phtalocyanine 11 XII 13 (2015) ou Cadmium citron 14 IV 98 (2007). Sur la toile posée à l’horizontale, les couches de couleur se succèdent, s’étalant à chaque fois sur toute la surface, laissant apparaître des formes organiques, des déchirures, des jeux de transparence et d’infinies profondeurs. C’est la peinture qui mène la danse, conduit la main. L’artiste aime prendre des risques, quitte à tout remettre en question, à détruire l’équilibre précaire des nuances colorées construit parfois pendant une décennie. Jusqu’au moment où ça y est, l’œuvre tient, elle a finalement un haut et un bas, possède l’espace qu’elle occupe, après plus ou moins une cinquantaine de strates.
La pièce où Josée Pitteloud travaille est dénuée de toute distraction, les murs y sont blancs et l’ambiance méditative. Elle apporte toutefois dans cet espace hors du temps et du tumulte du quotidien ses sensations de nature. Les toiles qui découlent de cette pratique faite de répétitions et de recommencements s’offrent ainsi au regard comme le feraient des paysages : elles sont changeantes et insaisissables, elles ouvrent le champ de la perception. Si le motif en tant que sujet est absent des peintures à l’alkyde, il apparaît dans d’autres œuvres que l’artiste crée lorsqu’elle quitte la ville pour la montagne. Dans ses dessins sur papier – montrés pour la première fois en 2022 –, on retrouve l’intense concentration du moment de création et un intérêt pour les jeux optiques. Les entrelacs confinent à l’abstraction, leur motif devient ornement.
Éloge de la lenteur, persistance, voire résilience : autant de mots-clés qui s’inscrivent en porte-à-faux avec notre époque et pourtant décrivent une pratique ancrée dans le présent, toujours à la recherche de nouvelles expériences.
Texte de Nolwenn Mégard