Les patinoires, comme les piscines, incarnent l’artificialité de sites conçus pour reproduire, maîtriser et transformer l’usage d’espaces naturels : des paysages pétrifiés, cerclés de gradins. À la patinoire l’eau est figée et les corps s’allègent dans l’horizontalité d’un mouvement continu sur la surface gelée. Glisser, c’est l’affordance première de la glace. La seconde, se briser. De même que la romancière Zelda Fitzgerald se lançait à corps perdu dans la pratique intensive du ballet pour devenir danseuse étoile à l’âge de 27 ans, Anaïs Wenger a décidé de changer de mode de vie le temps de sa résidence au Centre d’Art Contemporain Genève en déplaçant l’atelier du 4e étage à la patinoire des Vernets, quelque 600 mètres plus loin. Suivant la courbe narrative d’un personnage qui cherche à échapper à sa condition en s’accrochant à un rêve, il y a un espoir d’être, de devenir quelqu’un d’autre. En s’impliquant dramatiquement dans une discipline à la recherche constante de son prochain meilleur talent, Anaïs Wenger joue le jeu de la spectacularisation de l’artiste au travail à qui l’on demande d’être tout à la fois identifiable et inattendu, visible et mystérieux, performant et authentique.
Texte d’Anaïs Wenger