Revendo legendas 2022

Mabe Bethônico

Revendo Legendas, 2022

Légende, impression jet d’encre sur papier 210g

30 x 20 cm

Photo © Filipe Berndt

Ces dessins reproduisent des diapositives pédagogiques sur l’histoire du Brésil, qui ont circulé au Brésil dans les années 1970. Les récits ignorent commodément la violence coloniale et sa corrélation avec le régime dictatorial en vigueur.

Christophe Colomb, navigateur génois au service de l’Espagne, convaincu de la sphéricité de la Terre, décide de partir vers l’ouest à la recherche des Indes. Le 12 octobre 1492, il découvre le Nouveau Monde, qu’il confond avec la Chine. Celui-ci sera rebaptisé Amérique en l’honneur du grand navigateur florentin Amerigo Vespucci.

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Christophe Colomb a cherché un chemin vers les Indes et a atteint un autre continent qui, à son tour, a été baptisé du nom d’un autre navigateur. Si Christophe Colomb a été le premier Européen à poser le pied sur la terre de la conquête espagnole, le point de vue de cette image est celui de quelqu’un qui vivait déjà sur le sol sur lequel il venait d’arriver. Dans le tableau original de 1862 de Dióscoro Tolin qui a servi de référence à l’illustrateur de cette diapositive, les Indiens qui observent l’arrivée participent à la scène. Ici, ils sont exclus de la narration. Dans la théâtralité de cette diapositive, le groupe avance vers l’occupation, prêt à établir des drapeaux. Et Colomb s’agenouille devant qui ? Devant les Indiens ? Devant Dieu ?

L’élégance royale de sa cape de fourrure et des drapeaux confère un air de légitimité à l’invasion. On dirait que Colomb s’apprête à quitter le navire. Quel conquistador se rend dans sa loge pour se préparer à la conquête ? Il est ici caractérisé comme un acteur sur un terrain qui est comme une scène de domination : le premier acte, qui sera suivi d’un second, pris d’assaut par la maladie, l’enlèvement, le vol et toute la violence colonisatrice.

Duarte da Costa, le deuxième gouverneur général, est arrivé en 1533, accompagné de quelques jésuites, dont José de Anchieta. Le second gouverneur n’avait pas la même énergie que son prédécesseur, mais son gouvernement fut riche en événements importants.

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Le père jésuite José de Anchieta a joué un rôle déterminant dans la construction de la culture du Brésil colonial. Il a rédigé la grammaire du tupi, « Arte de grammatica da lingoa mais falada na costa do Brasil », qui a probablement circulé sous forme de manuscrit avant d’être imprimée en 1595. Poète qui écrivait dans le sable de la plage, son utilisation du verbe Matar (tuer) pour illustrer les conjugaisons dans le chapitre VI « Dos Verbos » est remarquable.

Un projet de loi de 2019 vise à remplacer Paulo Freire, l’éducateur brésilien le plus influent des temps modernes, par José de Anchieta en tant que saint patron de l’éducation brésilienne. Les jésuites rejettent cette proposition, y voyant une instrumentalisation d’Anchieta, à un moment où l’éducation est détruite dans le pays, et considérant que tous deux étaient également des « pédagogues de l’opprimé ». Cependant, alors qu’Anchieta prive les Indiens de leurs racines culturelles, Freire défend leur émancipation précisément contre l’école homogénéisante. Selon lui, le rôle de l’éducateur est de « déchiffrer le monde de l’oppresseur pour l’opprimé ».

Les Français s’installent à Rio de Janeiro. Les Indiens rebelles attaquent la côte, notamment Cabo Frio et São Vicente. Le 25 janvier 1554, le père Manuel de Paiva inaugure, entre les criques Tamanduateí et Anhangabaú, un collège nommé São Paulo, nom adopté par le village qui s’est formé. La fondation a été ordonnée par le père Manoel da Nóbrega, alors superviseur des Jésuites au Brésil. José de Anchieta, protecteur des mineurs, a collaboré à cette fondation.

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L’origine de l’enseignement au Brésil remonte aux Jésuites dans leur mission de catéchisation des Indiens. L’objectif était le « salut des âmes sauvages » et l’augmentation du nombre de croyants catholiques dans le monde. Plus qu’un projet pédagogique, l’influence des Jésuites a été un élément important du projet d’exploration portugais, personnifiant la structure politique de la colonisation. Dans la petite maison qui allait devenir le Colégio São Paulo, les prêtres alphabétisaient les enfants indigènes et enseignaient aux adultes l’organisation sociale à l’européenne, les formant au travail, établissant une dynamique politique et économique.

Les Jésuites ont protégé les Indiens de l’esclavage tout en s’attaquant à leur culture. José de Anchieta enseigne avec de la musique et des pièces de théâtre écrites par lui-même, faisant jouer aux Indiens la condamnation des croyances de leur peuple, dans des situations similaires à une fête religieuse populaire.

Mabe Bethônico

Revendo Legendas, 2022

3 dessins au crayon de couleur sur carton Mi-Teintes, 4 impression jet d’encre sur papier 210g

Dessins: 50 x 40 cm; Impressions, 50 x 40 cm et 30 x 20 cm

Photo © Filipe Berndt

La série Revendo legendas [Revoir les légendes] revisite des diapositives pédagogiques, qui étaient à l’origine utilisées comme outils d’enseignement de l’histoire dans les écoles publiques brésiliennes pendant les années de dictature militaire [1964-1988]. Leurs récits contournent la violence coloniale commune et leurs corrélations persistantes avec le régime dictatorial en place. Banaliser la violence historique était un moyen de minimiser les actions militaires et de perpétuer le pouvoir oppressif.

Des dessins en couleur reproduisent des diapositives pédagogiques, chacune présentant une illustration accompagnée d’une légende. De nouvelles légendes sont proposées, en observant de manière critique les originaux et en révisant leur contenu. Il s’agit d’une sorte de contre-pédagogie, qui démantèle les sujets donnés. Les nouvelles légendes sont les photographies d’une projection powerpoint, actualisant ainsi le dispositif pédagogique. Les textes revisitent le passé colonial et sa narration par le régime dictatorial, tout en recontextualisant l’histoire en rapport avec le gouvernement de 2021.