Á la fois fragile et massive, l’installation de Jérémy Chevalier rejoue les formats de l’affichage de rue. Sur les panneaux de béton brut, nulle information ne transparaît pourtant, ou plutôt seules des informations indicielles subsistent : les affiches superposées, les coins repliés, les déchirures – de légers reliefs parfois à peine perceptibles rendent compte des strates du papier.
Moulées avec du silicone sur des panneaux existants, ces œuvres évoquent la notion d’événement ; presque abstraites, elles bruissent néanmoins de toutes parts, aussi bien empreinte du paysage urbain, enregistrement d’un temps évanescent et signal vers les codes de communication de la vie culturelle, plus précisément de la culture musicale. De temps à autre, l’encre des affiches en surimpression est captée par le silicone et des formes apparaissent de manière fantomatique sur la surface de béton.
Si la pratique de l’artiste se partage entre les arts plastiques, la performance et la musique, il travaille principalement les questions d’archive, de mémoire, s’interrogeant sur la manière dont quelque chose de fugitif peut être figé, enregistré, transmis. Plusieurs pièces réalisées depuis 2011 utilisent le béton, matériau industriel massif et cassant, précis mais avec son comportement propre. Ce sont souvent des relevés d’inscriptions qui restent partiellement lisibles, comme les moulages de 33 tours que l’on peut écouter sur un tourne-disque malgré leur épaisseur, ou les carnets de notes dont on déchiffre les lettres avec difficulté.
On se sent parfois comme des archéologues devant les œuvres de Jérémy Chevalier, comme si les objets que l’on avait devant les yeux étaient les traces d’un temps révolu – impression sans doute accentuée ici par l’usage du béton, qui fige comme la pierre. Intéressé par la manière dont une idée devient concrète, trouve sa forme, attentif au processus et à l’expérience, l’artiste réalise des pièces suggestives et alertes, pleinement inscrites dans le présent.