Gabriela Löffel
Repères
Liens
- Site Internet : loeffelgabriela.com
- Sur le réseau : reseau-dda.org/fr/artists/gabriela-loffel
Né⋅e en 1972
Vit et travaille à Genève
L’artiste vidéaste Gabriela Löffel observe les coulisses des marchés financiers, de l’industrie cinématographique, de la politique d’asile, des conflits entre l’État et le secteur privé, et ainsi de suite. Il serait même plus juste de dire qu’elle dissèque l’intérieur des coulisses en cherchant à comprendre ses mécanismes, ses techniques et stratégies de mise en scène du pouvoir, qui, pour reprendre les termes de Foucault, n’émanent pas des actions d’acteurs individuels, mais peuvent être observés précisément dans l’interaction performative des techniques internes et des architectures de systèmes. Dans Performance (2017/18), l’artiste déconstruit le discours d’un PDG enregistré lors d’une foire internationale sur la sécurité en mandatant une coach en communication orale pour l’optimiser. Ou elle révèle l’imperméabilité des systèmes d’un port franc (Inside, 2019) ou d’un Centre fédéral pour requérant-e-s d’asile (Sans titres, 2021-22) sur les chantiers de construction. Löffel travaille régulièrement avec des traducteur-trices et d’autres professionnel-les du domaine de la communication, du casting et de la mise en scène. Elle porte un regard attentif sur la pratique de services cachés. Ce qu’elle découvre, ce ne sont pas les faits explosifs des domaines dans lesquels se situent ses intérêts politiques, mais les formes subtiles de réalisations puissantes. Les sujets, les lieux et les acteurs que l’artiste approche sont controversés et ses œuvres témoignent du point de vue d’« observateur proche » qu’elle adopte dans ses recherches. En même temps, elle garde ses distances et rapproche les objets du spectateur, non pas sous la forme de révélations, mais comme un matériau traduit qui déplace le centre d’attention habituel. Scènes de répétition, plateaux et rangées vides de spectateurs, techniques de simulation - l’accent récurrent mis sur la distinction entre la situation réelle dans les œuvres de Löffel contraste avec les conventions documentaires, mais dans le sens brechtien, il peut être attribué au réalisme, qui reproduit « la réalité réelle [qui] a glissé dans son contenu fonctionnel (cf. Bertolt Brecht, L’Opéra de quat’sous, 1931). En traquant les techniques et les économies des puissances mondiales, Löffel examine attentivement dans toutes ses œuvres les récits, la rhétorique habile, les interprètes interchangeables, les principes commerciaux et les stratégies de marketing. Son approche artistique ressemble à une sorte de recherche sur l’écosystème avec laquelle elle tente de saisir « l’énorme absence du politique dans ces réalités complexes », comme elle l’explique dans une conversation à propos de The Case (2015). L’attention qu’elle porte à cette absence présente fait de ses installations des espaces de réflexion troublants.
Texte de Sigrid Adorf
Traduction de l’anglais par Zsuzsanna Szabo