Encadrant la statue équestre du général Dufour, le dispositif d’oriflammes mis à disposition par le parcours heart@geneva lui offre une visibilité renouvelée. Identiques à ceux qui ponctuent déjà la Place Neuve et ses institutions, ces drapeaux-bannières sont visibles recto-verso. Contrairement au théâtre où le spectacle se passe sur une scène que le spectateur contemple de son siège sans accéder aux coulisses, le propre de l’art publique est de se donner à des usagers libres de se mouvoir et voir l’envers du décor. En toile de fond d’un côté, l’oeuvre contemporaine se donne en parade belliqueuse, ornant de l’autre la croupe au premier plan. Ce point de vue rappelle certaines illustrations satiriques d’époque visant notamment à railler le Général Guisan (p.ex Le Revers de la Médaille… d’Eric Coulon dans le journal L’Arbalète). Dans un système qui divise son pouvoir auprès de plusieurs conseillers fédéraux, empêchant
ainsi l’identification du corps à la fonction, l’incarnation d’une autorité militaire montée se pose particulièrement. Dans un registre plus sensuel, on se souvient de l’intrigante Etudes des croupes de Théodore Géricault.
Mon intervention pour la Place Neuve s’inscrit dans cette histoire en s’attachant particulièrement à l’esthétique du crin et ses usages. Si l’on pense volontiers aux archets et autres instruments à cordes frottés non loin (Conservatoire et Grand Théâtre), le toilettage de compétition compose un vaste répertoire de formes (pions, damier, nouage, tresse de travail, tresse espagnole) et les tresses désignent un type de coiffure qui implique l’art de réunir, de rassembler et d’entrecroiser. Ainsi constitué de deux tressages dont les motifs empruntent tant du cordon que du rideau de théâtre, ce diptyque maille une narration autour du rôle du cheval dans l’iconographie politique et militaire en Suisse.
Texte d’Anaïs Wenger