L’oeuvre d’Alexandre Joly explore les relations entre nature et artificialité, un dualisme que reflètent le choix et l’association de matériaux. L’artiste utilise ainsi des peaux d’animaux qu’il met en formes au moyen de résine artificielle et de fibre de verre, crée des sculptures aux formes organiques à partir de polystyrène ou des environnements sonores à partir de voix d’oiseaux retravaillés en studio, et emploie des imitations de produits naturels tels que des cristaux Swarovski.
Alexandre Joly assemble ses sculptures et installations de sorte à former des environnements ou « paysages », comme il les appelle, des arrangements précis qui sont plus que la somme de leurs composantes. Le terme de « paysage » est d’ailleurs bien choisi dans la mesure où il désigne une perception culturelle et esthétique de la nature – souvent remodelée par l’homme –, dont l’idéal serait le jardin potager.
Le son, qui fait partie intégrante de ses oeuvres, joue un rôle prépondérant dans le travail de l’artiste. Ainsi ses grandes oeuvres murales, qui semblent se référer aux patterns géométriques de Sol LeWitt ou à l’art concret, se distinguent non seulement par leurs qualités visuelles, mais s’apparentent également à des objets sonores, ils se composent uniquement des éléments d’un circuit électrique qui les fait vibrer, les sons parvenant à des haut-parleurs piézoélectriques par des fils de cuivre, des clous, des cordes à piano et des aimants. Malgré leur précision évidente, ces installations n’ont rien de technoïde ; de manière générale, la technologie dans ses oeuvres n’est jamais voyante, même lorsqu’elle détermine leur aspect, comme dans le cas des haut-parleurs piézoélectriques. Dans ses travaux les plus récents, ces haut-parleurs, qui font depuis longtemps partie intégrante de son vocabulaire formel, apparaissent sous la forme d’un dense treillis suspendu et associé à des troncs d’arbres. Les travaux dans lesquels ils servent à produire des ondes sur une surface d’eau s’apparentent également à des oeuvres sonores dans le sens strict du terme. Les sons n’étant pas visibles, la composition s’appuie uniquement sur des indications visuelles.
Alexandre Joly crée des images et situations saisissantes et surprenantes, qui recèlent par ailleurs des éléments narratifs. D’inspiration féérique, magique ou archaïque, ils lui permettent notamment de créer des religions primitives, ainsi dans Sacred Peanut Islands, qui évoque une chinoiserie, ou dans l’objet-totem Dersou. Dénuées de pathos ésotérique, ces oeuvres témoignent d’un intérêt continu pour la magie comme phénomène culturel et la fascination qu’elle exerce sur les hommes et renvoie ce faisant à la duplicité entre nature et culture qui préoccupe l’artiste. Le titre Dersou est ainsi emprunté à une fiction : le film Dersou Usala d’Akira Kurosawa, dont l’action est située dans les plaines désertes de la Russie orientale.
Le Kunsthaus Langenthal présente la première exposition monographique d’Alexandre Joly en Suisse alémanique. Outre des oeuvres existantes, l’artiste y montre une nouvelle série de travaux conçus et réalisés pour le besoins de l’exposition. Sa mise en scène dans l’espace, réalisée aux moyens de panneaux de tissus semblables à des rideaux de scène, fait allusion à la scénographie, aux décors de cinéma et eau théâtre. dans le même ordre d’idée, une série de grandes sculptures en polystyrène que l’artiste appelle « sculpture performatives » ou « improvisées » fera apparaître l’aspect performatif de son travail sur les matériaux.