C’est l’histoire en trois récits de la Torre Agbar que Jean Nouvel a conçue à Barcelone. Ce bâtiment de 144 mètres, inauguré début 2004, se dresse en un cylindre protubérant de base ovale avec une façade circulaire de verre et de métal. Que dire d’une telle emprise sur le paysage urbain, qu’en montrer pour en prendre la mesure? Le parti pris de Véronique Goël est radical et minimaliste. Elle décide d’en pro- poser quatre plans fixes qui réduisent sa prestance en la fondant dans l’épaisseur du tissu urbain. Ces images d’une Tour empêtrée plutôt qu’élancée sont d’une durée suffisante pour que le regard les détaille à sa guise et perçoive la parfaite banalité du quotidien duquel se détache massivement cette architecture.
Le premier plan est muet, nonobstant le son direct de la ville en activité, les trois autres sont visités par deux voix. En espagnol, français et anglais, elles disent trois textes sur un ton à l’articulation neutre, sans emphase. Le premier est tiré de l’affiche promotionnelle de la Ville de Barcelone, le deuxième est une liste descriptive de la fonction d’utilisation des étages et le troisième est la description de la tour par Jean Nouvel lui-même. Comme dans le film mythique de Chris Marker Lettres de Sibérie, les commentaires donnent à une même scène des sens différents. Mais plus avant, la superposition des voix dans le dernier plan suggère un babil qui ne peut définitivement pas venir à bout de cette Tour Agbar, dont le film de Véronique Goël consigne le mutisme obtus. Texte de JP
CRÉDITS:
Images: Véronique Goël
Montage: Véronique Goël
Son et mixage: Martin Stricker
Voix off: Ismael Oiartzabal et Julien Schmid
Production: Scherzo Films, Genève