L’installation de Lou Masduraud se déploie dans l’espace de la Villa Vassilieff. Fine sculpture en cire synthétique aux multiples tours et détours, elle traverse l’espace d’exposition, se façonne contre ses murs, entoure les pièces du mobilier administratif et se fraye un chemin à l’intérieur de celui-ci. Salle après salle, cette sculpture se déplace dans l’espace en même temps que les visiteurs. Conçue comme un réseau rhizomatique, l’œuvre peut s’apparenter à une obscure machine ou à un squelette dont les pièces ont été alignées os à os. Si l’artiste considère la Tour Montparnasse comme l’un des symboles parisiens de l’évolution du travail et de ses échecs, son installation s’inscrit dans le contexte historique et social de son lieu d’exposition. Certains objets de l’installation appartiennent en effet à la Villa Vassilieff, comme ces documents d’archives qui renvoient au riche passé du site. D’autres éléments énigmatiques évoquent la quintessence du mobilier générique d’un lieu de travail ou d’une tenue professionnelle. Ces ressemblances et références à l’appareil de travail reflètent les préoccupations principales de l’artiste : les effets que l’emploi, dans ses déclinaisons modernes et d’une manière presque invisible, infléchit à la fois les esprits et les corps. Une grande partie de la sculpture reste invisible, cachée dans les tiroirs, dissimulée derrière les murs, enfouie dans les bureaux de l’institution - tout comme les aspects cachés du travail, qui ont pernicieusement infiltré notre monde à l’ère du néolibéralisme. L’artiste tente de rendre visible l’intégration de cette idéologie du travail dans la construction des espaces de bureau et de révéler l’architecture de la violence dans nos systèmes économiques.
Texte de Élise Géradin pour l’exposition Creative Beginnings. Professional End., Villa Vassilief, Paris, France, 2020