Idéal standard 2023

Laurent Faulon

Idéal Standard, 2023

14 lavabos, 1 bidet modelés en faïence et émaillé, robinetterie, serviettes, portes serviettes

Dimensions variables

Vue d’exposition, Centre d’art de l’Onde, Vélizy-Villacoublay

Photo © Léo Guy Denarcy

Idéal Standard 1 à 15 – Les lavabos

Idéal Standard est composée de quinze lavabos sur pied, modelés en faïence puis émaillés. Donnant leur titre à l’exposition, ces pièces sont numérotées de 1 à 15, numéros des séries présentées. Ideal Standard est en fait une véritable marque de lavabo, dont l’artiste s’est inspiré pour cette production à la chaîne. Il présente des lavabos similaires mais chacun un peu différent. Tous sont déformés, abîmés, cognés. Ils donnent l’impression que l’on s’est appuyé dessus par mégarde ou que la chaîne de production qui les a engendrés s’est emballée à la manière des Temps modernes de Charlie Chaplin.
Les œuvres font aussi directement référence à l’atelier de production, qui peut être celui de l’artiste comme celui du travail à la chaîne. Pour les créateurs, le lavabo est à la fois le point d’eau mais aussi l’endroit où l’on vient nettoyer son matériel. Mêmes usages dans les usines de la grande distribution ou dans l’univers industriel.
Le titre de ces œuvres et de l’exposition est également un clin d’œil, à ce que l’on appelle la standardisation des techniques de production et des biens.
« Les lavabos sont modelés tant bien que mal plutôt que moulés (comme c’est le cas dans l’industrie), leur surface irrégulière et leur couleur leurs donnent un aspect charnel.
Par cet aspect, il s’agit pour moi de questionner pêle-mêle les notions de:
— race, normalité, difformité, conformité.
— le rapport pas toujours apaisé que nous entretenons avec le/les corps.
— les normes et les archétypes (ces lavabos reproduisent plus une image mentale de lavabos, où l’image du dictionnaire illustrant le mot Lavabo, qu’ils ne constituent des éléments sanitaires fonctionnels).
— la notion de « savoir-faire » dont on ne sait plus aujourd’hui dans le champ de l’art, si elle appartient à un vocabulaire du passé ou à une nécessité du présent. Je pense aussi à la multiplication des tutos « manuels », à la popularité des émissions télévisées (Le meilleur… forgeron, pâtissier…) où le réinvestissement compulsif de la matière répond à la désincarnation des vies numériques. La maladresse de la réalisation traduit un certain malaise face à ce phénomène, mais aussi à une impossibilité de décider entre reproduction docile d’un modèle ou liberté que l’on s’accorde.
— les goûts et les dégoûts
— le ready made et son histoire (le choix d’un objet sanitaire s’explique aussi comme ça en référence à Fontaine de Marcel Duchamp). D’ailleurs l’un de ces lavabos est en fait un bidet : je m’amuse ici à penser l’uchronie d’un ready-made inventé par une femme, après avoir réalisé récemment que l’urinoir de Duchamp est un objet éminemment masculin,
que sa pose sur socle, renversé, forme vaguement une pyramide et que la place hégémonique de cette invention, dans
l’histoire de l’art du vingtième siècle, sont lourds de sens
et de pensées inconscientes.»
— Laurent Faulon

  • Texte tiré du dossier de presse de l’exposition Idéal Standard, Théâtre - Centre d’art de Vélizy-Villacoublay, France, 2022-2023