D’emblée, une mise en question de l’espace immuable et intangible.
Trois salles, pensées ensemble comme un même et unique lieu, accueillent cinq formes géométriques accompagnées de leur écrin respectif. Celles-ci s’organisent sur une grille, sorte de trame d’un récit topographique fait de positions et de déplacements. A peine évoqué au croisement des axes rouges, le point O permettrait de définir les coordonnées de cette mise en scène abstraite et pourtant oh combien rigoureuse.
Les formes de ces cinq objets proviennent de l’architecture du palais : détachées de leur structure originelle, ces matrices jouent de leur aspect fragmentaire tout en assumant leur autonomie sculpturale. En tant que fragments, elles disent l’unité dont elles se soutiennent, elles rappellent le tout dont elles sont la partie, et cela, pour mieux s’individualiser.
Aussi, générées à la mesure du lieu, elles assument leur origine en s’érigeant à leur tour comme instrument de mesure dont les boîtiers s’en font l’indice.
La dynamique de ces outils se définit alors comme une force qui chercherait à s’inscrire dans une logique mathématique tout en s’émancipant de celle-ci : leur échelle déstabilise par sa proportion, la grille - convergence des repères - s’efface à leur contact, l’axe rouge déroge à son devoir graphique pour épouser leur forme dans l’espace d’un contour.
Dès lors, l’épuisement d’un système logique permet une potentialité neuve. L’installation relance le calcul de l’espace en envisagent autrement vides et pleins, formes et contre-formes, contenus et contenants, parties et tout.
Elle transforme ainsi la perception du lieu permettant à l’observateur d’interroger en profondeur et avec une sensibilité renouvelée la nature des éléments environnants et la spatialité qui les enveloppe.
L’espace est un doute.
Sans cesse, il demande à être marqué, désigné, organisé.
Chercher à en faire la conquête, pourtant, c’est aussi savoir révéler toute (dé)mesure du monde.
Célia Zuber