ORGANISER. Amasser, collecter, disséquer, trier, ordonner, ficher, coter, rassembler, archiver, pérenniser, diffuser ; autant d’actions déployées à travers l’Union des Associations internationales, l’Institut international de Bibliographie, le Répertoire bibliographique universel, la Classification décimale universelle, constituant ensemble l’architecture du Mundaneum. Tous édifiés par Paul Otlet qui tient entre deux dates : 1868 –1944. Biblidéaliste et encyclopédiste obsessionnel, il cherche à classer le monde, en répertoriant la matière-entière de la connaissance et de ce qui en a été écrit. L’organisation et la conservation de cette documentation permet une diffusion et une accessibilité optimisées. Une entité totale centralisée qui vise une unité dans la diversité et ainsi, l’harmonie.
Telle une vaste sphère, brillante et mystérieuse, chaque pan de la classification devient un rayon, partant d’un point-centre et se déployant par faisceaux qui vont s’élargissant. Par l’ampleur de leur portée et la jonction de leurs propres limites, l’étendue du savoir tend à être couverte, entre possibilités et réalités. à la fois clos et infini, pouvant se lire comme un disque qui tourne sur lui-même, ce dispositif utopique accueille tous les champs de la connaissance qui s’agitent et irradient, en expansion.
ENREGISTRER. Les documents du Mundaneum ont été sélectionnés et enregistrés par un scanner à main. Un déplacement par gauche - droite - haut - bas mime une gestuelle de lecture et supplée l’œil. Cet instrument cartographie les fonds d’archives dans un mouvement impératif de vouloir saisir. Un élément qui se localise dans une information, dans une branche, dans un domaine, dans une matière, dans une discipline, dans une expression, dans le monde. Méthodique, l’action demeure manuelle et les défauts des reproductions suivent les aspérités et l’altération du papier ; ils dénotent l’urgence et le temps.
ÉTENDRE. 18° 50% d’humidité dispose les archives retenues en regard de pages dites de relation, semblables à des prises de note mises en image. Cet objet ordonne un classement restructuré face à de nouveaux éléments entrés en jeu, distribués par chapitres à l’intérieur desquels un nouvel agencement est mis en place, se modulant au rythme des connexions.
Un espace où deux types de documents s’interpénètrent pour se développer communément : se répondre, se répandre. Les archives dialoguent avec d’autres types de langages qui aussi organisent et transmettent dans un élan similaire, parfois synthétique et immédiat, parfois codé, souvent à teneur universelle. Ces systèmes de pensée s’accordent instinctivement par forme, substance, contenu ou convergent par métaphore, allégorie, métonymie ou sens. De là l’inclusion et la prolifération d’idées réunies et surtout connectées. Cette porosité est engendrée par un procédé visuel bi-spatial propice aux allers-retours entre les documents. Affinités, dissonances : un classement n’est jamais neutre. Loin de clore, il semble capable d’ouvrir ailleurs. Les possibilités engendrées se multiplient et gonflent la matière par une mise en réseau. Action du désordre, quiétude de l’ordre. Du désordre des alphabets naissent des mots. De l’ordre fixé pour leur forme, la compréhension. Classer, déclasser, reclasser puisent tous dans la même source sans cesse renouvelée et remaniée.
Charlotte Magnin