L’hologramme numérique La Gogotta Desnuda (2015) d’Alan Bogana, artiste tessinois basé à Genève, donne à voir la représentation 3D d’une gogotte, minéral provenant de la collection du Musée de Minéralogie de Paris. Dans la salle d’exposition obscure, le faisceau lumineux d’un projecteur LED balaye lentement l’image. Les fragments montrent des volumes organiques de couleur chair, qui émergent de l’image et font tout d’abord penser à des bourrelets de peau ou à des organes internes. Alan Bogana démasque ici notre anthropocentrisme, qui place l’humain au centre du système de référence de notre perception du monde. Bien que la roche qui nous est présentée soit inanimée, nous interprétons ses formes biomorphes comme celles d’un objet vivant. Le titre lui-même, qui signifie « la gogotte dénudée », joue sur cette ambiguïté.
Ces minéraux rares sont composés de minuscules cristaux de quartz et de carbonate de calcium. Leurs formes sculpturales à couper le souffle sont la manifestation directe du mouvement de l’eau au sein d’une couche de sable souterraine : la circulation du fluide a été inscrite dans le sable solidifié. Voilà ce qui explique l’intérêt de l’artiste pour les gogottes : il s’agit de mouvements transformés en pierres. Elles incarnent, sans outil technique et de façon quasi analogue, l’invisible, le flux de l’eau.
Le public doit reconstituer a posteriori l’apparence biomorphe de la gogotte dans son ensemble à partir des différents fragments. La tâche n’est pas aisée, car la présence presque hyperréaliste et tangible de l’image semble livrer une représentation claire de l’objet. La reproduction holographique repose quant à elle sur une reconstruction numérique par ondes lumineuses. Il s’agit, plus précisément, d’un motif d’interférences de deux ondes lumineuses, qui émane de la rencontre de l’onde d’un objet – ici celle du minéral – et d’une onde de référence. Tout comme la pierre représentée, le procédé artistique est la transcription visible d’un phénomène qui échappe à notre perception.
Texte de Bettina Back, Collection HEK Bâle.